Il était une fois les mobilités douces en 2050…

illustration MoHo

Ce récit de fiction a été construit à partir des réflexions d’un groupe de travail lors d’une journée de design fiction multi acteurs organisée par MoHo et la Fabrique des Mobilités le 20 septembre 2023. Il s’inspire d’un scénario désirable de ce que pourrait être la mobilité en 2050. Il a été élaboré à l’aide de notre imagination, nous déclinons toute responsabilité si la réalité en 2050 n’est pas représentative de ce récit de fiction.

A lire sans modération !

Vendredi 21 octobre 2050.

J’habite dans la commune de Lion-sur-Mer, à 13 kilomètres de Caen. Comme tous les matins, je suis sur mon vélo pour aller travailler dans le centre-ville de Caen. Mon bus m’a déposé avec mes deux enfants et mon vélo à l’entrée de Caen, et je pédale vers le centre-ville dans des rues désormais quasiment toutes interdites aux voitures.

Je repense à la matinale de France Info que j’ai écouté à la radio ce matin pendant le petit-déjeuner, sur le thème des transitions vers la mobilité durable. L’émission revenait sur ces 25 dernières années qui ont quasiment fait disparaitre la voiture thermique du territoire français. Quand j’y pense, je me demande comment est-ce que je pouvais préférer les trajets en voiture aux trajets en vélo à l’époque ? C’est tellement plus agréable au quotidien !

Heureusement que ces transitions ont eu lieu, pour la planète, pour notre santé, pour le bien-être de nos enfants. D’ailleurs, je viens de déposer les miens au collège en descendant du bus. Ils ont connu très peu de trajets en voiture étant petits, uniquement en voiture électrique, et je sais qu’aujourd’hui, se déplacer autrement qu’avec les transports en commun ou des mobilités actives ne leur viendrait pas à l’esprit. C’était d’ailleurs un des thèmes abordés à la radio ce matin : les habitudes de mobilité des nouvelles générations, éloignées de la voiture par rapport aux générations de leurs parents et grands-parents.

J’aurais aimé abandonner la mienne plus tôt, mais je n’avais pas vraiment de solutions alternatives adaptées à mon trajet. Aujourd’hui, un bus de ville part de Lion-sur-mer vers Caen toutes les 10 minutes, et me dépose à la périphérie de la ville de Caen près d’une des nombreuses pistes cyclables du réseau. Je termine le trajet en vélo. C’est tellement pratique d’utiliser plusieurs moyens de transport sur un même trajet. Les plateformes pour ranger les vélos à l’arrière des bus et des tramways sont géniales pour ça !

L’émission radio de ce matin a d’ailleurs pris pour exemple le territoire normand, dont les réseaux de transports en commun sont connus dans toute la France pour faciliter cette multimodalité. La journaliste parlait même d’une étude montrant comment ce développement du réseau de transports en commun avait permis aux habitants des territoires peu desservis d’en profiter au quotidien. 

La gratuité des transports en commun depuis 2040 a aussi forcément rendu ces transports beaucoup plus accessibles. Quand j’y repense, je sais que sans cet avantage financier et la possibilité d’y emmener mon vélo, je n’aurais sans doute pas abandonné la voiture. La journaliste expliquait d’ailleurs que Caen la mer et l’exploitant du réseau de transports en commun sur son territoire avaient beaucoup consulté les citoyens pour connaitre leurs besoins en matière de mobilité. Un organe de décision de la mobilité a d’ailleurs été créé dès 2024 par la Région Normandie pour tout le territoire normand.

C’est un groupe de travail qui regroupe différents acteurs de la mobilité. J’ai cru comprendre que les citoyens pouvaient y participer sur la base du volontariat. Je crois que des experts et des acteurs solutions de la mobilité durable font aussi partie de cet organe. Il existe toujours aujourd’hui car les collectivités travaillent au quotidien pour améliorer les réseaux de transports en commun sur le territoire normand. Je me dis que cela pourrait être intéressant de m’y impliquer. Je n’y ai jamais participé, mais mes enfants m’y poussent chaque année. J’essayerai de candidater l’année prochaine.

Sur mon vélo, je vois un bus de ville électrique passer devant moi. Il tourne autour du centre-ville, dont les rues lui sont interdites. Je me dis que maintenant, ces transports donnent envie. Il y fait frais quand il fait trop chaud dehors, grâce à leur système de ventilation naturelle. Ils sont adaptés aux besoins des usagers, et ça, ce n’était pas gagné il y a 20 ans. Je me dis que cette transition est tout de même bien réussie, et qu’elle est bien ancrée dans les esprits et les comportements.

La matinale de France Info m’a fait repenser au chemin que j’ai parcouru pour abandonner la voiture. Je me revois encore enfant participer aux “challenges mobilités actives” de Caen la mer. Parfois, on devait passer tout un dimanche sans utiliser la voiture, ce qui avait le don d’agacer mes parents. Les “journées du vélo” obligeaient certains à ressortir leur vélo de la cave pour les petits trajets du quotidien, comme aller acheter le pain. Aujourd’hui, ces challenges autour de la mobilité ne sont plus des défis, mais des habitudes du quotidien. L’interdiction de la vente de voitures thermiques par l’Union Européenne en 2035 a beaucoup aidé à changer ces habitudes, même si une majorité de personnes était déjà passée à la voiture électrique à ce moment-là. L’explosion du prix du carburant y est sans doute pour quelque chose aussi…

C’est notamment ce prix qui m’a fait passer à la voiture électrique, avant que je me rende compte que je pouvais largement me déplacer sans voiture. Mes trajets du quotidien aujourd’hui ne me coûtent rien, sauf lorsque je dois faire réparer mon vélo. Car finalement, j’en fais des kilomètres !

Je pense à tout cela en pédalant sur le boulevard des Fossés Saint-Julien, désormais réservé aux piétons, vélos et autres mobilités actives. Cette transition n’a pas été simple pour moi. J’aimais ce confort que m’offrait ma voiture. Mais j’ai essayé. Lorsque j’ai compris que mes déplacements en voiture pouvaient avoir un impact sur la planète, j’ai voulu passer à l’électrique. La journaliste de France Info parlait d’ailleurs de ces constructeurs automobiles qui sont aujourd’hui spécialisés dans le leasing de petits véhicules électriques. Le modèle économique de l’automobile repose désormais à 75% sur ce système de location, contre 25% pour le modèle de vente. Avec l’interdiction de la vente des véhicules thermiques depuis 2035, très peu de personnes se déplacent encore en véhicule thermique. Sinon, ce sont de vieux véhicules, achetés avant 2035. 

Je suis contente que les enfants soient formés aux enjeux autour de la mobilité très tôt à l’école. Les miens ont compris très vite, et aujourd’hui, ils ne veulent même plus monter dans la voiture de leur grand-mère quand celle-ci les garde. Car c’est un véhicule thermique. Forcément, cela ne lui fait pas plaisir, car elle ne peut pas emmener ses petits-enfants où elle veut, quand elle veut. 

Hier soir encore, elle dînait à la maison et les enfants ont abordé le sujet en lui disant qu’elle devait essayer la voiture électrique car la voiture thermique, c’est dépassé. Cette discussion m’a mise mal à l’aise car c’est vrai qu’il y a une différence entre sa génération et celle des enfants. Eux sont sensibilisés constamment aux enjeux de mobilité durable, dès l’école primaire.

Je déjeune avec elle à Caen ce midi et je sais que nous allons en reparler. Je compte bien lui expliquer que je comprends son point de vue, tout en soutenant mes enfants dans leur démarche. Je connais ma mère, et je sais que petit à petit, nous allons réussir à la convaincre.

Sur mon vélo, je me répète dans ma tête ce que je vais lui dire : “Maman, les garçons ont raison, tu sais. Le temps des voitures thermiques est révolu. Elles coûtent tellement chères, et sont tellement taxées… Tu sais très bien que ton argent sert à rendre les transports en commun gratuits….alors que tu ne les utilises même pas ! Tu vas me dire qu’en transports en commun on ne va nulle part, mais tu sais que c’est faux. Aujourd’hui, tu peux traverser toute la Normandie en empruntant seulement le bus et le train en un seul et même trajet. Tu peux même venir jusque chez nous, à la mer ! Je peux comprendre que tu ne sois pas prête, par contre, essayer une petite voiture électrique est une chose que tu peux faire assez facilement, et je suis sure que tu en seras très contente».

J’espère qu’au fur et à mesure de ces conversations, l’idée va faire son chemin dans sa tête. Et je compte bien l’emmener chez un loueur de voitures électriques avant la fin de l’année, où elle pourra essayer un petit véhicule et se rendre compte qu’elle ferait beaucoup d’économies si elle sautait le pas.

Le changement de type de véhicule, je pense qu’elle peut l’entendre. Mais elle nous l’a bien répété une énième fois hier soir à table : “N’essayez pas tes fils et toi de me faire monter sur un vélo ! ».

Je ne compte évidemment pas lui dire ce midi que nous espérons lui introduire cette idée, dans un futur proche… En plus, je sais que ma mère vit parfois mal le fait de rouler en voiture thermique. Les habitants de sa petite commune du sud de Caen ne manquent pas de lui faire remarquer qu’elle devrait changer ses habitudes de mobilité. C’est fou comme la norme sociale autour de la voiture s’est inversée !

D‘ailleurs hier soir, nous avons regardé un vieux Spielberg de 2023 à la maison avec ma mère et les garçons. C’était un film plutôt réaliste dans lequel les héros se déplaçaient en petites voitures électriques. Des voitures deux places en plus. J’avais pensé à l’époque que c’était ridicule pour des héros de rouler en voiture électrique. Mais finalement, ce type de voitures a été très demandé dès la sortie du film, notamment par les jeunes. Et aujourd’hui, se déplacer en voiture électrique est devenu la norme, donc finalement, ce film n’était pas si décalé que ça…

Sur mon vélo, j’approche de mon travail. Je traverse le Parc de la République, ancienne Place de la République, désormais entièrement végétalisée. A la sortie du Parc, je longe les immeubles qui avant étaient réservés aux classes très aisées. Les loyers dans le centre-ville de Caen sont plus abordables qu’ils ne l’ont été. Pour limiter l’étalement urbain et l’artificialisation des sols, de nombreux commerces de proximité ont été relocalisés dans les zones d’habitation, à la fois dans les villes et dans les villages sur le territoire de Caen la mer.

J’ai d’ailleurs appris ce matin à la radio que la Normandie était la deuxième région française la plus attractive économiquement. Cela est apparemment dû aux transformations des secteurs automobile et énergétique. Avant 2035, les constructeurs automobiles traditionnels se sont reconvertis en masse dans la location de véhicules électriques légers, mais également vers la vente de vélos, électriques comme musculaires. Comme quoi, tout le monde fini par y venir… 

En levant le nez de mon guidon, j’aperçois les éoliennes qui côtoient désormais les immeubles en plein centre-ville. Un bon nombre de constructeurs automobiles a complètement changé de secteur et travaille désormais dans les énergies renouvelables. Je ne les vois pas de mon vélo, mais je sais que les toits caennais sont également couverts aux trois quarts de panneaux solaires. Les constructeurs automobiles électriques et les fournisseurs d’énergies renouvelables travaillent d’ailleurs aujourd’hui main dans la main pour permettre à tous d’accéder à une mobilité durable.

La journaliste de France Info expliquait aussi ce matin que sur le plan de la mobilité, les différents secteurs d’activités sont regroupés de façon stratégique sur le territoire afin d’optimiser les déplacements, et que tout cela participe au dynamisme économique du territoire !

J’arrive au travail. Je gare mon vélo dans le parc à vélo qui a remplacé les anciennes places de parking pour les voitures. Mon lieu de travail ne propose d’ailleurs plus ce type de places car les rues qui entourent le bâtiment sont réservées aux piétons et aux cyclistes. Les places de parking les plus proches se situent dans les parkings relais aux entrées de la ville de Caen, ou dans les quelques rues acceptant les voitures.

De mon côté, j’ai abandonné ma voiture électrique il y a plus de 10 ans, et pour rien au monde je ne reviendrai sur ma décision. J’aime savoir que mes déplacements ont un impact moindre sur la planète. Je ne suis pas la seule dans ce cas. J’ai remarqué qu’il y avait de plus en plus de monde dans les transports en commun, et à vélo dans les rues de Caen. C’est une bonne chose que les habitants soient conscients de l’impact de leurs déplacements sur l’environnement.

Je contourne la pelouse par le chemin de graviers qui me permet d’arriver devant l’entrée de mon travail. Cette pelouse a très souvent été inondée ces 20 dernières années. La collectivité de Caen la mer portait bien son nom… Elle a porté de nombreuses fois des campagnes de sensibilisation sur ces inondations, conséquences directes et visibles du réchauffement climatique à Caen. Je pense que ces événements, en particulier les inondations de 2025 et 2028, ont marqué les esprits et provoqué un changement dans les comportements vers l’adaptation. Le niveau de l’eau augmentait tellement que la Presqu’île de Caen a failli devenir une île…

Certaines affiches de l’époque de la communauté urbaine de Caen la mer sont encore collées dans le hall de l’immeuble de mon travail : “Il est urgent d’agir” avec les images de l’Orne en crue dans les rues de Caen. Les actions menées par la collectivité ont finalement permis d’accompagner un changement de comportement des citoyens, notamment au niveau de la mobilité.

J’arrive dans mon bureau, je me sens prête à attaquer ma journée de travail. Ce trajet en vélo m’a permis de respirer. Les voies cyclables sont sécurisées, et ces trajets me permettent de rencontrer des gens.

Ce soir, ce sont les vacances scolaires. Je sais que je vais croiser beaucoup de monde à vélo. Je vis dans la première région touristique française, donc il faut s’attendre à voir du monde pendant ces périodes. Je sais aussi que je vais croiser plus de voitures thermiques que d’habitude. Mais l’autopartage et le covoiturage sont très souvent utilisés pour partir en vacances, donc je sais que ça pourrait être pire.

Je comprends les touristes. Le climat s’est réchauffé partout en France. Les régions du Sud de la France, déjà chaudes il y a 20 ans, n’attirent plus les vacanciers. Moi, j’aime passer mes vacances en Normandie, à la mer. Certes, la région n’échappe pas au réchauffement climatique. Mais la journaliste de France Info parlait ce matin des politiques locales d’adaptation en Normandie. Dès les années 2020, les collectivités normandes ont par exemple développé des politiques sur la fraîcheur des villes et communes du territoire, afin de limiter au maximum les îlots de chaleur. C’est grâce à ça que, tous les matins, je traverse les fossés Saint-Julien à l’ombre, qu’à l’école des enfants la cours de récréation est devenue un parc végétal… Tous ces petits aménagements, en plus d’avoir ramené le calme en ville, ont participé à l’adaptation à ce réchauffement climatique.

Partir pour une journée de travail n’est certainement pas une corvée dans ces conditions, car il fait bon vivre ici !

J’ai quand même hâte de repartir du boulot ce soir, car je sais qu’il fera nuit et que j’entendrai les doux chants des chouettes hulottes. Car la ville de Caen a désormais le label « ville silencieuse », et cette merveilleuse espèce est revenue nicher à Caen. Elle semble bien installée et déterminée à rester. Du moins, je l’espère.

C’est fou tout ce chemin parcouru en 25 ans ! Avec du recul, je me rends compte que si tout le monde s’y met, c’est toujours possible. Alors heureusement que l’on agit !

Eva Parrenin et Clémence Pille.

Découvrez ici les règles du jeu de cartes conçu par la Fabrique des Mobilités pour cette journée de design fiction !
Retrouvez ici l’article de synthèse de la journée par la Fabrique des Mobilités !

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