A l’occasion de la semaine européenne de la mobilité et dans le cadre de sa coalition mobilité durable, MoHo vous propose une série d’articles et d’interviews sur les changements de comportements de mobilité sur les trajets domicile-travail, en lien avec l’organisation du travail et l’accompagnement au changement d’habitudes.
Un échange avec Laura Foglia, consultante et enseignante à l’Ecole des Ponts en mobilités bas carbone et transitions, référente et cheffe de projet responsable mobilités quotidiennes au Shift Project, nous a permis de creuser le thème suivant : pourquoi et comment traiter la décarbonation des trajets domicile-travail en entreprise ?
Environnement, santé, qualité de vie au travail : pourquoi décarboner le domicile-travail ?
Les transports représentent un tiers des émissions totales de la France chaque année. Les mobilités quotidiennes, dont la mobilité domicile-travail, représentent la moitié de ces émissions.
Au-delà des aspects environnementaux, les trajets domicile-travail peuvent être longs et fatigants pour les salariés.
De plus, l’utilisation de mobilités actives a des répercussions positives sur la santé, la qualité de vie au travail et ainsi sur la productivité et l’attractivité de l’entreprise.
Comment déconstruire le système du tout-voiture ?
Ce système du tout-voiture est alimenté par un imaginaire collectif idéalisant la possession et l’utilisation de la voiture individuelle. Cet imaginaire peut être déconstruit en construisant autre chose : en proposant d’autres façons de se déplacer, respectueuses du bien-être des individus, de leur santé, de l’environnement…
Plusieurs acteurs ont un rôle important dans la production de ces nouveaux imaginaires :
- l’Etat : en imposant des réglementations qui aillent dans le sens de la décarbonation (comme pour le tabac), en réglementant la publicité qui fait rêver de quelque chose de très individualiste, route où il y a personne etc.
- les collectivité : en donnant l’exemple (notamment les élus). rôle sur l’aménagement du territoire et des infrastructures de mobilité bas carbone. Rôle sur l’information sur ces solutions.
- les entreprises : en impliquant tous les acteurs de l’entreprise (pas seulement les salariés qui n’ont pas de voiture de fonction par rapport aux cadres) et en prenant en compte les avantages pour leurs salariés, et en donnant l’exemple (notamment les dirigeant et les managers).
- les salariés : en prenant en compte les avantages pour eux-mêmes.
Le changement d’imaginaire s’est déjà opéré autour du vélo dans les dernières décennies, en devenant un mode de déplacement de plus en plus désirable.
Comment lancer le sujet en entreprise ?
L’entreprise doit absolument prendre en compte une approche psychosociale. Les offres de mobilité décarbonée ne sont pas directement adaptées aux besoins des salariés, donc l’entreprise doit avoir une approche à différents niveaux, encourager différents modes de déplacement, valoriser les comportements de covoiturage, de vélo, de transports en commun, encourager les challenges et événements festifs (mois du vélo, semaine de la mobilité…). L’entreprise doit accompagner les salariés de la façon la plus adaptée selon leurs profils et selon les caractéristiques de la structure.
L’entreprise doit également inclure l’organisation du travail dans sa démarche sur la mobilité domicile-travail, notamment car de nombreuses situations empêchent l’abandon de la voiture individuelle pour ces trajets (équilibre vie professionnelle/vie personnelle, etc.).
Le Plan de Mobilité Employeur (PDME) est-il obligatoire ?
Les entreprises de plus de 50 salariés sur un même site ont l’obligation de faire entrer la mobilité dans les Négociations Annuelles Obligatoires (NAO), ou de mettre en place de façon unilatérale un PDME.
Avoir un PDME n’est donc pas obligatoire, mais il vaut toujours mieux inscrire les actions dans un plan. Une action seule aura moins d’impact et fonctionnera mieux dans un plan qui a un caractère plus systémique.
Si l’entreprise construit un PDME, les mesures et objectifs du plan doivent être adaptés aux caractéristiques de l’entreprise et des salariés.
Qu’est ce qui bloque dans les consciences ?
Certains individus n’ont pas la possibilité technique de passer de la voiture individuelle à des mobilités bas carbone. L’objectif n’est pas de les pointer du doigt, mais de se concentrer sur les individus qui ont la possibilité technique de changer. Les blocages sont souvent psychologiques :
- manque d’information sur les alternatives bas carbone à la voiture qui existent,
- manque de connaissances sur les bénéfices des mobilités bas carbone, pour les salariés comme pour les dirigeants,
- des habitudes qui bloquent les individus dans des schémas routiniers. Pour changer les habitudes, il est important d’essayer des solutions sur des temps qui vont au moins jusqu’à 30 jours.
3 chiffres à avoir en tête
- Les mobilités quotidiennes représentent 14% des émissions de gaz à effet de serre de la France chaque année.
- 22% de ces trajets quotidiens sont des trajets domicile-travail.
- 84% des trajets domicile-travail sont réalisés en voiture individuelle.
Les évolutions nécessaires pour une mobilité bas carbone en 2050 ?
Plusieurs évolutions peuvent favoriser la transition vers des mobilités bas carbone quotidiennes, dont :
- un rapprochement entre le domicile et le lieu de travail,
- un allègement des véhicules de la part des constructeurs automobiles (la tendance est plutôt aujourd’hui à l’alourdissement des véhicules),
- les entreprises doivent pendre en compte les bénéfices extrafinanciers en changeant les indicateurs, pour encourager les mobilités bas carbone.
Découvrez la suite de cette série d’article sur les trajets domicile-travail avec les interviews de Gilles Picard sur les liens entre qualité de vie et des conditions de travail, dialogue social et démarches employeurs sur la mobilité domicile-travail.
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Clémence Pille, interview de Laura Foglia