“Notre incapacité à lutter contre le changement climatique c’est notre incapacité à imaginer vivre autrement” expliquait Rob Hopkins lors de sa dernière intervention chez MoHo en 2023.
A sa suite, est intervenu Fabrice Bonnifet, Directeur Développement Durable & Qualité, Sécurité, Environnement Groupe Bouygues. Pour présenter ce que pouvaient être des solutions concrètes à la lutte contre le réchauffement climatique et l’impact carbone. Alors que 31% des français serait encore climatosceptique, les éléments scientifiques rappellent une dure réalité.
Le dernier rapport du GIEC montre que d’ici 10 ans, le monde atteindra les 1,5 degrés de réchauffement. Cela signifie que nous nous dirigeons vers 2,7 à 4,5 degrés de plus d’ici la fin du siècle. Les conséquences sont absolument catastrophiques. C’est un monde où les destructions climatiques sont régulières, un monde où les épisodes de chaleur humide (100% d’humidité sur des cycles de chaleur de 38 à 50 degrés) vont se multiplier, sachant que ces épisodes sont mortels pour l’Homme, le corps ne parvenant plus à se réguler. On parle de vagues de migrations climatiques de l’ordre de 240 millions de personnes.
« Pour limiter à 1,5 degré, il faudrait réduire notre empreinte carbone sur les 28 prochaines années par un facteur 5. Ces émissions carbones devraient diminuer de 7% par an sur les 10 prochaines années alors qu’elles augmentent encore de 1,5% par an. «
Quant à la biodiversité, la situation est tout autant catastrophique.
“On ne mange que du vivant” dit Gilles Boeuf (début de la conférence à 15:10) alors que l’on massacre la biodiversité sans laquelle l’Humain ne peut exister. En 2023, la biomasse animale sauvage représente moins de 1% de la biomasse animale globale (le reste ce sont des animaux pour nous nourrir et on tue 3 milliards d’animaux par jour.)
Ces chiffres sont anxiogènes ? La situation – bien qu’entendue – est insupportable ? Pourquoi les rappeler ? Parce qu’il est essentiel, pour avancer sur les solutions, que les faits soient acceptés et digérés de manière commune. Le mal de ces dernières années – souhaité par quelques – uns – fut de créer une attitude attentiste.
Dans cette interview passionnante avec Eva Macaigne, Directrice des Programmes chez MoHo, Fabrice Bonnifet revient sur ces faits et sur les solutions encore possibles. L’une d’entre elles appartient aux entreprises qui doivent être contributives. En synthèse voici ce qui les guident :
Ces entreprises, nos entreprises doivent :
1/ Accepter le fait scientifique
Donc accepter l’idée de limites planétaires (et accepter d’être net 0). Le développement des entreprises et leurs objectifs partent alors des limites planétaires, donc s’inscrivent dans une contrainte. L’objectif est ensuite d’imaginer une innovation utile. La vision commune est de se diriger vers une économie d’usage, une économie de fonctionnalité et une économie de partage.
2/ Poser leur raison d’être :
Est-ce que cela correspond à un besoin essentiel ? A défaut, une question – dure – doit permettre aux entreprises déjà créées de réaliser un pivot : qu’est qui irait mieux si mon entreprise n’existait pas ? Qu’est ce qui irait mieux si mon entreprise apparaissait ? Là aussi, une vision commune doit être de contribuer au bien commun et à la restauration des écosystèmes.
3/ Imposer une comptabilité multi capital
C’est-à-dire accepter d’avoir 3 types de dettes : une dette financière, une dette du capital social, une dette environnementale car aujourd’hui (malheureusement) émettre du carbone ne coûte rien.
4/ Ajuster leur système de management
Qui s’entend par tout ce qui va permettre à l’entreprise de se transformer. L’impératif est de réorienter le génie humain dans des innovations réellement utiles à la fois au client et au bien commun. Cela nécessite d’adopter des modèles de management basés sur l’entreprise libérée.
Cet échange est riche d’enseignements et cette synthèse ne résume pas toutes les clefs proposées par Fabrice Bonnifet. Au sein de MoHo nous sommes convaincus par ce plaidoyer pour un nouveau modèle d’entreprises, nous sommes convaincus que les solutions émergeront si nous acceptons de sortir de nos habitudes de consommation de masse, de notre rapport au Vivant, de notre rapport de domination aux autres. L’une des clefs est l’idée de coalition large (qui s’apparente parfois encore à des formes de lobbying réunissant des intérêts privés communs) et réunissant des acteurs très différents. Pour les faire travailler ensemble, il faut aller plus loin sur les méthodes collaboratives et il faut impérativement aligner toute la chaîne de valeur sur un fait (scientifique) de départ.
C’est peut être l’étape la plus difficile. Partout dans l’actualité, on peut constater à quel point cette “union” sur le fait commun, qui doit devenir indiscutable, est encore loin et empêche aujourd’hui la collaboration. Peut être que cette époque est celle de la transition. Peut-être faut-il lui donner encore du temps. L’avons-nous ?
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