Les psychédéliques, tels que le LSD, la mescaline, la psilocybine ou la DMT, sont des substances qui ont fait l’objet de nombreuses controverses et expérimentations tout au long du XXe siècle. Le terme « psychédélique », inventé en 1956 par le psychiatre Humphrey Osmond, signifie « révélateur de l’esprit », car ces substances ont la capacité de provoquer des états de conscience modifiés et de plonger l’individu au cœur de l’inconscient. Utilisées depuis l’origine de l’Homme, ces substances ont fait l’objet de recherches scientifiques et d’expérimentations culturelles dès la fin du XIXe siècle, notamment avec l’isolement de la mescaline, issue du peyote, un cactus utilisé rituellement par des peuples indigènes d’Amérique du Nord.
Dans les années 1920-1950, des expérimentations psychiatriques ont utilisé ces substances dans des « thérapies de choc » visant à réinitialiser le psychisme des patients, mais les résultats furent largement controversés.
En 1943, Albert Hofmann redécouvre les effets du LSD. Un soir, il ressent des sensations étranges et se demande si cela ne provient pas des émanations de ce produit. Il décide alors de “tester” en absorbant ce qu’il considère être une petite dose, mais qui, pour du LSD pur, l’envoie dans un trip de huit heures. Cette “découverte” marquera le début des recherches intensifiées sur cette substance. Sa diffusion dans les années 50-60 ouvre une ère nouvelle de recherche, tandis que la psilocybine, isolée par le mycologue Roger Heim, rejoint cette révolution, tout comme la mescaline, déjà connue pour ses effets hallucinogènes. Mais c’est surtout la contre-culture hippie, portée par des figures comme Timothy Leary, qui popularise ces substances. Le mouvement pacifiste de l’époque, pendant la guerre du Vietnam, provoque cependant la colère de Richard Nixon, qui qualifie Timothy Leary de “l’homme le plus dangereux d’Amérique” et mène une guerre contre les psychédéliques. En 1966, l’article « Les poisons de l’esprit » publié dans Le Monde entraîne l’interdiction des psychédéliques en France, bien avant les États-Unis. Cette stigmatisation a conduit à une exclusion prolongée des psychédéliques des recherches académiques.
Dans les années 80-90, l’émergence de nouvelles techniques d’imagerie cérébrale et un intérêt grandissant pour les maladies psychiatriques telles que la dépression et le PTSD redynamisent la Recherche. L’une des grandes figures de ce renouveau est le journaliste Michael Pollan, dont le livre How to Change Your Mind a touché des millions de lecteurs, en particulier aux États-Unis, en popularisant les bénéfices thérapeutiques des psychédéliques.
En France, Dominique Nora, ex-directrice du Nouvel Obs et grand reporter, s’est intéressée à ce sujet et a publié un livre en 2025, “Voyage dans les médecines psychéliques” chez Grasset. Dans ses recherches, elle explore comment le potentiel thérapeutique des psychédéliques ouvre des opportunités immenses pour soigner des troubles de santé mentale. Aujourd’hui, des millions de personnes souffrent de dépression, de stress post-traumatique et d’addictions, et ces maux font l’objet d’un “business” immense et souvent addictif. Les psychédéliques pourraient pourtant offrir de nouvelles solutions thérapeutiques. Leur intégration dans le système de santé français, toutefois, demeure un défi.
Malgré cet intérêt croissant, la France reste en retard, avec des lois strictes et une régulation étroite des substances psychédéliques. La recherche est encore limitée par un cadre bureaucratique rigide, et de nombreux chercheurs préfèrent se tourner vers des pays comme la Suisse ou les Pays-Bas, où la recherche sur ces substances peut se faire dans un cadre plus souple. Cependant, des initiatives comme PsychedeliCare (en commentaire), un référendum d’opinion citoyenne lancé en 2025, visent à ouvrir la voie à une législation plus ouverte et à promouvoir une recherche encadrée sur ces thérapies. Si ces changements se concrétisent, les psychédéliques pourraient devenir un axe majeur pour aborder les troubles mentaux du XXIe siècle.
Pour la Positive Library, MoHo et Mollat ont souhaité recevoir Dominique Nora. Un voyage extraordinaire et un sujet tellement intéressant qu’il ne mérite pas de rester dans une stigmatisation.
NB : L’usage des psychédéliques est interdite en France. Cet échange sur les enjeux de la recherche sur ces substances ne vise pas à promouvoir son utilisation.